Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/128

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m’eût fait alors le moindre trait railleur jeté sur moi ; car on ne saurait croire la force de certaines bagatelles sur nous, quand elles sont placées ; et la vérité est que les dégoûts de Valville, provenus de là, m’auraient plus fâchée que la certitude de ne le plus voir.

À peine fus-je assise, que je tirai de l’argent pour payer le cocher ; mais Mme Dutour, en femme d’expérience, crut devoir me conduire là-dessus, et me trouva trop jeune pour m’abandonner ce petit détail. Laissez-moi faire, me dit-elle, je vais le payer ; où vous a-t-il pris ? Auprès de la paroisse, lui dis-je. Eh ! c’est tout près d’ici, répliqua-t-elle en comptant quelque monnaie. Tenez, mon enfant, voilà ce qu’il vous faut.

Ce qu’il me faut ! cela ! dit le cocher, qui lui rendit sa monnaie avec un dédain brutal ; oh ! que nenni ; cela ne se mesure pas à l’aune. Mais que veut-il dire avec son aune, cet homme ? répliqua gravement Mme Dutour : vous devez être content ; on sait peut-être bien ce que c’est qu’un carrosse, ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on en paye.

Eh ! quand ce serait de demain, dit le cocher, qu’est-ce que cela avance ? Donnez-moi mon affaire, et ne crions pas tant. Voyez de quoi elle se mêle ! Est-ce vous que j’ai menée ? Est-ce qu’on vous demande quelque chose ? Quelle diable de femme avec ses douze sols ! Elle marchande cela comme une botte d’herbes.

mme Dutour était fière, parée, et qui plus est