Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/136

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passé. Le coquin est bien heureux que Toinon n’ait pas été ici ; elle vous aurait bien empêché de jeter l’argent par les fenêtres : mais il faut justement que cette bégueule-là ait été dîner chez sa mère. Malepeste ! elle est un peu meilleure ménagère ! Aussi n’a-t-elle que ce qu’elle gagne, et les autres ce qu’on leur donne ; au lieu que vous, Dieu merci, vous êtes si riche, vous avez un si bon trésorier ! pourvu qu’il dure !

Eh ! madame, lui dis-je avec quelque impatience, ne plaisantons point là-dessus, je vous prie ; je sais bien que je suis pauvre : mais il n’est pas nécessaire de m’en railler, non plus que des secours qu’on a bien voulu me donner, et j’aime encore mieux y renoncer, n’avoir rien et sortir de chez vous, que d’y demeurer exposée à des discours aussi désobligeantes Tenez, dit-elle, où va-t-elle chercher que je la raille, à cause que je lui dis qu’on lui donne ? Eh ! pardi ! oui, on vous donne, et vous prenez comme de raison : à bien donné, bien pris. Ce qui est donné n’est pas fait pour rester là, peut-être ; et quand on voudra, je prendrai ; voilà tout le mal que j’y sache et je prie Dieu qu’il m’arrive. On ne me donne rien, je ne prends rien, et c’est tant pis. Voyez de quoi elle se fâche ! Allons, allons, dînons ; cela devrait être fait. Il faut aller à vêpres. Et tout de suite, elle alla se mettre à table. je me levai pour en faire autant, en me soutenant sur cette aune que Mme Dutour avait remis sur le comptoir, et je n’en avais pas trop besoin.