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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/138

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À qui en avez-vous donc ? me dit-elle. Comme vous voilà muette et pensive ! Est-ce que vous avez du chagrin ? Oui, Madame ! vous m’avez mortifiée, lui répondis-je sans la regarder.

Quoi ! vous songez encore à cela ? reprit-elle ; eh ! mon Dieu, Marianne, que vous êtes enfant ! Qu’est-ce donc que je vous ai dit ? je ne m’en souviens plus : est-ce que vous croyez, quand on est en colère, qu’on va éplucher ses paroles ? Eh ! pardi ! ce n’est pas pour s’épiloguer qu’on vit ensemble. Eh bien ! j’ai parlé un petit brin de M. de Climal. Est-ce cela qui vous fâche, à cause que c’est lui qui prend soin de vous, et qui fait votre dépense ? Est-ce là tout ? Gageons, parce que vous n’avez ni père ni mère, que vous avez cru encore que je pensais à cela ? car vous êtes d’un naturel soupçonneux, Marianne ; vous avez toujours l’esprit au guet, Toinon me l’a bien dit ; et sous prétexte que vous ne connaissez point vos parents, vous allez toujours vous imaginant qu’on n’a que cela dans la tête. Par hasard, hier, avec notre voisine, nous parlions d’un enfant trouvé qu’on avait pris dans une allée ; vous étiez dans la salle, vous nous entendîtes ; n’allâtes-vous pas croire que c’était vous que nous disions ? je le vis bien à la mine que vous fîtes en venant ; et voilà que vous recommencez encore aujourd’hui ? Eh ! Je prie Dieu que ce soit là mon dernier morceau, si j’ai non plus pensé à père et mère que s’il n’y en avait jamais eu pour personne ! Au surplus, les enfants trouvés, les enfants qui ne le sont point, tout cela