Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’un air badin pour me prendre la main. Je vous ai déjà dit dans quel esprit je vous parle. Encore une fois, je mets ici la religion à part ; je ne vous prêche point, ma fille, je vous parle raison ; je ne fais ici auprès de vous que le personnage d’un homme de bon sens, qui voit que vous n’avez rien, et qu’il faut pourvoir aux besoins de la vie, à moins que vous ne vous déterminiez à servir ; ce dont vous m’avez paru fort éloignée, et ce qui effectivement ne vous convient pas.

Non, monsieur, lui dis-je en rougissant de colère, j’espère que je ne serai pas obligée d’en venir là.

Ce serait une triste ressource, me dit-il, je ne saurais moi-même y penser sans douleur ; car je vous aime, ma chère enfant, et je vous aime beaucoup.

j’en suis persuadée, lui dis-je ; je compte sur votre amitié, monsieur, et sur la vertu dont vous faites profession, ajoutai-je pour lui ôter la hardiesse de s’expliquer plus clairement.

Mais je n’y gagnai rien. Eh ! Marianne, me répondit-il, je ne fais profession de rien que d’être faible, et plus faible qu’un autre ; et vous savez fort bien ce que je veux dire par le mot d’amitié ; mais vous êtes une petite malicieuse, qui vous divertissez, et qui feignez de ne pas m’entendre : oui, je vous aime, vous le savez ; vous y avez pris garde, et je ne vous apprends rien de nouveau. Je vous aime comme une belle et charmante fille que vous êtes. Ce n’est pas de l’amitié que j’ai pour vous, mademoiselle ; j’ai cru d’abord que ce