Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tout le fruit du seul avantage que je vous connaisse, qui est d’être aimable. Vous ne voudriez pas perdre votre temps à être la maîtresse d’un jeune étourdi que vous aimeriez tendrement et de bonne foi ; à la vérité, ce qui serait un plaisir, mais un plaisir bien malheureux, puisque le petit libertin ne vous aimerait pas de même, et qu’au premier jour il vous laisserait dans une indigence, dans une misère dont vous auriez plus de peine à sortir que jamais : je dis une misère, parce qu’il s’agit de vous éclairer, et non pas d’adoucir les termes ; et c’est à tout cela que j’ai songé depuis que je vous ai quitté. Voilà ce qui m’a fait sortir de si bonne heure de la maison où j’ai dîné. Car j’ai bien des choses à vous dire, Marianne ; je suis dans de bons sentiments pour vous ; vous vous en êtes sans doute aperçue ?

Oui, monsieur, lui répondis-je les larmes aux yeux, confuse et même aigrie de la triste peinture qu’il venait de faire de mon état, et scandalisée du vilain intérêt qu’il avait à m’effrayer tant : oui, parlez, je me fais un devoir de suivre en tout les conseils d’un homme aussi pieux que vous.

Laissons là ma piété, vous dis-je, reprit-il en s’approchant