Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/177

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je ne voulais plus entendre parler de lui. Mon petit plan était de ne le voir de ma vie : ce que je trouvais aussi très beau à moi, et très fier ; car je l’aimais, et j’étais même bien aise de l’aimer, parce qu’il s’était aperçu de mon amour, et que, me voyant malgré cela rompre avec lui, il en verrait mieux à quel cœur il avait eu affaire.

Cependant le paquet s’avançait ; et ce qui va vous réjouir, c’est qu’au milieu de ces idées si hautes et si courageuses, je ne laissais pas, chemin faisant, que de considérer ce linge en le pliant, et de dire en moi-même (mais si bas, qu’à peine m’entendais-je) : Il est pourtant bien choisi ; ce qui signifiait : c’est dommage de le quitter.

Petit regret qui déshonorait un peu la fierté de mon dépit ; mais que voulez-vous ? Je me serais parée de ce linge que je renvoyais, et les grandes actions sont difficiles ; quelque plaisir qu’on y prenne, on se passerait bien de les faire : il y aurait plus de douceur à les laisser là, soit dit en badinant à mon égard ; mais en général, il faut se redresser pour être grand : il n’y a qu’à rester comme on est pour être petit. Revenons.

Il n’y avait plus que ma cornette à plier, et comme en entrant dans la chambre je l’avais mise sur un siège près de la porte, je l’oubliai : une fille de mon âge qui va perdre sa parure peut avoir des distractions.

Je ne songeais donc plus qu’à ma robe, qu’il fallait empaqueter aussi ; je dis celle que m’avait donnée M. de Climal ; et comme je l’avais sur moi, et