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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/183

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on ne m’attend nulle part, personne ne s’apercevra que je lui manque ; je n’ai du moins plus de retraite que pour aujourd’hui, et je n’en aurai plus demain.

C’était pourtant trop dire, puisqu’il me restait encore quelque argent, et qu’en attendant que le ciel me secourût, je pouvais me mettre dans une chambre ; mais qui n’a de retraite que pour quelques jours peut bien dire qu’il n’en a point.

Je vous rapporte à peu près tout ce qui me passait dans l’esprit en marchant.

Je ne pleurais pourtant point alors, et je n’en étais pas mieux. Je recueillais de quoi pleurer ; mon âme s’instruisait de tout ce qui pouvait l’affliger, elle se mettait au fait de ses malheurs ; et ce n’est pas là l’heure des larmes : on n’en verse qu’après que la tristesse est prise, et presque jamais pendant qu’on la prend ; aussi pleurerai-je bientôt. Suivez-moi chez mon religieux ; j’ai le cœur serré ; je suis aussi parée que je l’étais ce matin, mais je n’y songe pas, ou, si j’y songe, je n’y prends plus de plaisir. Nombre de personnes me regardent en passant, je le remarque sans m’en applaudir : j’entends quelquefois dire à d’autres : Voilà une belle fille ; et ce discours m’oblige sans me réjouir : je n’ai pas la force de me prêter à la douceur que j’y sens.

Quelquefois aussi je pense à Valville, mais c’est pour me dire qu’il serait ridicule d’y penser davantage ; et en effet ma situation décourage le penchant que j’ai pour lui.

C’est bien à moi d’avoir de l’amour ; il aurait bonne