Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/209

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des rentes, avec toutes sortes de maîtres et de magnificence ; à quoi j’ai répondu qu’il me faisait horreur d’être si hypocrite et si fourbe. Eh ! monsieur, lui ai-je dit, est-ce que vous n’avez pas de religion ? Quelle abominable pensée ! Mais j’ai eu beau dire ; ce méchant homme, au lieu de se repentir et de revenir à lui, s’est emporté contre moi, m’a traitée d’ingrate, de petite créature qu’il punirait si je parlais, et m’a reproché son argent, du linge qu’il m’avait acheté, et cette robe que je porte, et que je mettrai ce soir dans le paquet que j’ai déjà fait du reste, pour lui renvoyer le tout, dès que je serai rentrée chez Mme Dutour, qui de son côté m’a donné mon congé pour demain matin, parce qu’elle n’est payée que pour aujourd’hui ; de sorte que je ne sais plus de quel côté tourner, si le père Saint-Vincent, de chez qui je viens en ce moment pour lui conter tout, et qui m’avait bonnement menée à cet horrible homme, ne trouve pas demain à me placer en quelque endroit ; comme il m’a promis d’y tâcher.

Au sortir de chez lui, j’ai passé par ici, et je suis entrée dans votre église à cause que je pleurais le long du chemin, et qu’on me regardait ; et puis Dieu m’a inspiré la pensée de me jeter à vos pieds, ma mère, et d’implorer votre aide.

Là finit mon petit discours ou ma petite harangue, dans laquelle je ne mis point d’autre art que ma douleur, et qui fit son effet sur la dame en question. Je la vis qui s’essuyait les yeux ; cependant elle ne dit mot alors, et laissa répondre la prieure, qui avait honoré mon