Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/210

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récit de quelques gestes de main, de quelques mouvements de visage, qu’elle n’aurait pu me refuser avec décence ; mais il ne me parut pas que son cœur eût donné aucun signe de vie.

Certes, votre situation est fort triste, mademoiselle (car il n’y eut plus ni de ma belle enfant, ni de mon ange ; toutes ces douceurs furent supprimées) ; mais tout n’est pas désespéré ; il faut voir ce que ce religieux, que vous appelez le père Saint-Vincent, fera pour vous, reprit-elle d’un air de compassion posée. Ne dites-vous pas qu’il s’est chargé de vous trouver une place ? il lui est bien plus aisé de vous rendre service qu’à moi qui ne sors point, et qui ne saurais agir. Nous ne voyons, nous ne connaissons presque personne ; et, à l’exception de madame et de quelques autres dames qui ont la bonté de nous aimer un peu, nous sommes des semaines entières sans recevoir une visite. D’ailleurs notre maison n’est pas riche ; nous ne subsistons que par nos pensionnaires, dont le nombre est fort diminué depuis quelque temps. Aussi sommes-nous endettées, et si mal à notre aise, que j’eus l’autre jour le chagrin de refuser une jeune fille, un fort bon sujet, qui se présentait pour être converse, parce que nous n’en recevons plus, quelque besoin que nous en ayons, et que, nous apportant peu, elles nous seraient à charge. Ainsi de tous côtés vous voyez notre impuissance, dont je suis vraiment mortifiée ; car vous m’affligez, ma pauvre enfant (ma pauvre ! quelle différence de style ! Auparavant elle m’avait dit : ma belle), vous m’affligez,