Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/219

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et même une espèce de patrie ; et que j’allais, à la garde de Dieu, dans un pays étranger, sans avoir le temps de me reconnaître. J’étais comme enlevée, il y avait quelque chose de trop fort pour moi dans la rapidité des événements qui me déplaçaient, qui me transportaient : je ne savais où, ni entre les mains de qui j’allais tomber.

Et ce quartier dont je m’éloignais, le comptez-vous pour rien ? Il me mettait dans le voisinage de Valville, de ce Valville que j’avais dit que je ne verrais plus, il est vrai ; mais il était bien rigoureux de se trouver pris au mot : je m’étais promis de ne le plus voir, et non pas de ne le pouvoir plus, ce qui est bien autrement sérieux ; et le cœur ne se mène pas avec cette rudesse-là. Ce qui l’aide à être ferme, dans un cas comme le mien, c’est la liberté d’être faible ; et cette liberté, je la perdais par mon changement d’état, et j’en soupirais ; mon courage en était abattu.

Cependant, il faut partir ; allons, me voilà en chemin : j’ai dit à la Dutour que c’était à un couvent que je me rendais. Comment s’appelle-t-il, je l’ignore aussi bien que le nom de la rue ; mais je sais mon chemin, le crocheteur me suit ; à son retour il l’instruira, et si par hasard elle voit Valville, elle pourra l’instruire aussi : ce n’est pas que je le souhaite, c’est seulement une réflexion que je fais en marchant et qui m’amuse. Eh bien ! oui, il saura le lieu de ma retraite ; que m’importe ? qu’en peut-il arriver ? rien, à ce qu’il me semble. Est-ce qu’il tentera de me voir ou de m’écrire ? Oh ! que non, me disais-je. Oh ! que