Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/227

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aussi qu’elle en manquât. C’était de ces esprits qui satisfont à tout sans se faire remarquer en rien ; qui ne sont ni forts ni faibles, mais doux et sensés ; qu’on ne critique ni qu’on ne loue, mais qu’on écoute.

Fût-il question des choses les plus indifférentes, Mme de Miran ne pensait rien, ne disait rien qui ne se sentît de cette abondance de bonté qui faisait le fond de son caractère.

Et n’allez pas croire que ce fût une bonté sotte, aveugle, de ces bontés d’une âme faible et pusillanime, et qui paraissent risibles même aux gens qui en profitent.

Non, la sienne était une vertu ; c’était le sentiment d’un cœur excellent ; c’était cette bonté proprement dite qui tiendrait lieu de lumière, même aux personnes qui n’auraient pas d’esprit, et qui, parce qu’elle est vraie bonté, veut avec scrupule être juste et raisonnable, et n’a plus envie de faire un bien dès qu’il en arriverait un mal.

Je ne vous dirai pas même que Mme de Miran eût ce qu’on appelle de la noblesse d’âme, ce serait aussi confondre les idées : la bonne qualité que je lui donne était quelque chose de plus simple, de plus aimable, et de moins brillant. Souvent ces gens qui ont l’âme si noble, ne sont pas les meilleurs cœurs du monde ; ils s’entêtent trop de la gloire et du plaisir d’être généreux, et négligent par là bien des petits devoirs. Ils aiment à être loués, et Mme de Miran ne songeait pas seulement à être louable ; jamais elle