Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/229

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Les médisants par babil, je veux dire ces gens à bons mots contre les autres, à qui pourtant ils n’en veulent point, la fatiguaient un peu davantage, parce que leur défaut choquait sa bonté naturelle, au lieu que les glorieux ne choquaient que sa raison et la simplicité de son caractère.

Elle pardonnait aux grands parleurs, et riait bonnement en elle-même de l’ennui qu’ils lui donnaient, et dont ils ne se doutaient pas.

Trouvait-elle des esprits bizarres, entêtés, qui n’entendaient pas raison ? elle prenait patience, et n’en était pas moins leur amie ; eh bien ! c’étaient d’honnêtes gens qui avaient leurs petits défauts, chacun n’avait-il pas les siens ? et voilà qui était fini. Tout ce qui n’était que faute de jugement, que petitesse d’esprit, bagatelle que cela avec elle ; son bon cœur ne l’abandonnait pour personne, ni pour les menteurs qui lui faisaient pitié, ni pour les fripons qui la scandalisaient sans la rebuter, pas même pour les ingrats qu’elle ne comprenait pas. Elle ne se refroidissait que pour les âmes malignes ; elle aurait pourtant servi les personnes de cette espèce, mais à contre-cœur et sans goût : c’était là ses vrais méchants, les seuls qui étaient brouillés avec elle, et contre qui elle avait une rancune secrète et naturelle qui l’éloignait d’eux sans retour.

Une coquette qui voulait plaire à tous les hommes était plus mal dans son esprit qu’une femme qui en aurait aimé quelques-uns plus qu’il ne fallait ; c’est qu’à son gré il y avait moins de mal à s’égarer qu’à