Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/238

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là tout ; j’oubliais de vous dire une chose : c’est que j’ai été ce matin parler au chirurgien qu’on alla chercher pour visiter le pied de la petite personne.

Oh ! pour le coup, me voici comme dans mon cadre. À l’article du pied, figurez-vous la pauvre petite orpheline anéantie ; je ne sais pas comment je pus respirer avec l’effroyable battement de cœur qui me prit.

Ah ! c’est donc moi ! me dis-je. Il me sembla que je sortais de l’église, que je me voyais encore dans cette rue où je tombai avec ces maudits habits que Climal m’avait donnés, avec toutes ces parures qui me valaient le titre de grisette en ses beaux atours des jours de fête.

Quelle situation pour moi, madame ! et ce que j’y sentais de plus humiliant et de plus fâcheux, c’est que cet air si noble et si distingué, que Mme Dorsin en entrant avait dit que j’avais, et que Mme de Miran me trouvait aussi, ne tenait à rien dès qu’on me connaîtrait ; m’appartenait-il de venir rompre un mariage tel que celui dont il était question ?

Oui, Marianne avait l’air d’une fille de condition, pourvu qu’elle n’eût point d’autre tort que d’être infortunée, et que ses grâces n’eussent causé aucun désordre ; mais Marianne aimée de Valville, Marianne coupable du chagrin qu’il donnait à sa mère, pouvait fort bien redevenir grisette, aventurière et petite fille, dont on ne se soucierait plus, qui indignerait, et qui était bien hardie d’oser toucher le cœur d’un honnête homme.