Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/237

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pareilles extravagances ? Eh ! c’est à peine ce qu’on pourrait craindre d’un imbécile ou d’un écervelé reconnu pour tel. Je veux croire que la fille lui a plu, mais de la façon dont lui devait plaire une fille de cette sorte-là, à qui on ne s’attache point, et qu’un homme de son âge et de sa condition tâche de connaître par goût de fantaisie, et pour voir jusqu’où cela le mènera ; c’est tout ce qu’il en peut être. Ainsi, soyez tranquille, je vous garantis que nous le marierons, si nous n’avons que les charmes de la petite aventurière à combattre. Voilà quelque chose de bien redoutable !

Petite aventurière ! le terme était encore de mauvais augure. Je ne m’en tirerai jamais, me disais-je : cependant, si ces dames en étaient demeurées là, je n’aurais su affirmativement ni qu’espérer, ni que craindre ; mais Mme de Miran va éclaircir la chose.

Je serais assez de votre avis, répondit-elle d’un air inquiet, si on ne disait pas que mon fils n’est triste et de méchante humeur que depuis le jour de cette malheureuse aventure, et il est constant que je l’ai trouvé tout changé. Mon fils est naturellement gai, vous le savez, et je ne le vois plus que sombre, que distrait, que rêveur ; ses amis même s’en aperçoivent. Le chevalier, qu’il ne quittait point, et avec qui il est si lié, le fatigue et l’importune : il lui fit dire hier qu’il n’y était pas. Ajoutez à cela les courses de ce même laquais dont je vous ai parlé, que mon fils dépêche quatre fois par jour, et avec qui, quand il revient, il a toujours de fort longs entretiens. Ce n’est pas