Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/243

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Vous dirais-je à quoi je pense ? reprit tout de suite Mme Dorsin : vous êtes le meilleur cœur du monde, et le plus généreux ; mais je me mets à votre place, et après cet événement-ci il se pourrait fort bien que vous eussiez quelque répugnance à la voir davantage ; il faudra peut-être que vous preniez sur vous pour lui continuer vos soins. Voulez-vous me la laisser ? Je me charge d’elle en attendant que tout ceci se passe. Je ne prétends pas vous l’ôter, elle y perdrait trop ; et je vous la rendrai dès que le mariage de votre fils sera conclu, et que vous me la redemanderez.

À ce discours, je levai les yeux sur elle d’un air humble et reconnaissant, à quoi je joignis une très humble et très légère inclination de tête ; je dis légère, parce que je compris dans mon cœur que je devais la remercier avec discrétion, et qu’il fallait bien paraître sensible à ses bontés, mais non pas faire penser qu’elles me consolassent, comme en effet elles ne me consolaient pas. J’accompagnai le tout d’un soupir ; après quoi Mme Dorsin, reprenant la parole, dit à ma bienfaitrice : Voyez, consultez-vous.

De grâce, un moment, répondit Mme de Miran ; tout à l’heure je vais vous répondre. Laissez-moi auparavant m’informer d’une chose.

Marianne, me dit-elle, n’avez-vous point eu de nouvelles de mon fils depuis que vous êtes ici ?

Hélas ! madame, répondis-je, ne m’interrogez point là-dessus ; je suis si malheureuse que je n’aurai encore que des sujets de douleur à vous donner, et vous