Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/242

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de sanglots : Hélas ! madame, arrêtez, lui dis-je ; vous ne savez pas à qui vous parlez, ni à qui vous témoignez tant de bontés. Je crois que c’est moi qui suis votre ennemie, que c’est moi qui vous cause le chagrin que vous avez.

Comment ! Marianne, reprit-elle étonnée, vous êtes celle que Valville a rencontrée, et qu’on porta au logis ? Oui, madame, c’est moi-même, lui dis-je, je ne suis pas assez ingrate pour vous le cacher ; ce serait une trahison affreuse, après tous les soins que vous avez pris de moi, et que vous voyez bien que je ne mérite pas, puisque c’est un malheur pour vous que je sois au monde ; et voilà pourquoi je vous dis de m’abandonner. Il n’est pas naturel que vous teniez lieu de mère à une fille orpheline que vous ne connaissez pas, pendant qu’elle vous afflige, et que c’est pour l’avoir vue que votre fils refuse de vous obéir. Je me trouve bien confuse de voir que vous m’ayez tant aimée, vous qui devez me vouloir tant de mal. Hélas ! vous vous y êtes bien trompée, et je vous en demande pardon.

Mes pleurs continuaient ; ma bienfaitrice ne me répondait point, mais elle me regardait d’un air attendri, et presque la larme à l’œil elle-même.

Madame, lui dit son amie en s’essuyant les yeux, en vérité, cette enfant me touche ; ce qu’elle vient de vous dire est admirable : voilà une belle âme, un beau caractère !

Mme de Miran se taisait encore, et me regardait toujours.