Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/25

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nièce ou sœur de curé de village dit quelque chose de bien grossier et d’approchant d’une paysanne.

Mais cette fille-ci n’était pas de même : c’était une personne pleine de raison et de politesse, qui joignait à cela beaucoup de vertu.

Je me souviens que souvent, en me regardant, les larmes lui coulaient des yeux au ressouvenir de mon aventure, et il est vrai qu’à mon tour je l’aimais comme ma mère. Je vous avouerai aussi que j’avais des grâces et de petites façons qui n’étaient point d’un enfant ordinaire ; j’avais de la douceur et de la gaieté, le geste fin, l’esprit vif, avec un visage qui promettait une belle physionomie ; et ce qu’il promettait, il l’a tenu.

Je passe tout le temps de mon éducation dans mon bas âge, pendant lequel j’appris à faire je ne sais combien de petites nippes de femme, industrie qui m’a bien servi dans la suite.

J’avais quinze ans, plus ou moins, car on pouvait s’y tromper, quand un parent du curé, qui n’avait que sa sœur et lui pour héritiers, leur fit écrire de Paris qu’il était dangereusement malade, et cet homme, qui leur avait souvent donné de ses nouvelles, les priait de se hâter de venir l’un ou l’autre, s’ils voulaient le voir avant qu’il mourût. Le curé aimait trop son devoir de pasteur pour quitter sa cure, et fit partir sa sœur.

Elle n’avait pas d’abord envie de me mener avec elle ; mais, deux jours avant son départ, voyant que je