Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/26

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m’attristais beaucoup et que je soupirais : Marianne, me dit-elle, puisque vous craignez tant mon absence, consolez-vous, je veux bien que vous ne me quittiez point, et j’espère que mon frère le voudra bien aussi. Il me vient même actuellement des vues pour vous : j’ai dessein de vous faire entrer chez quelque marchande, car il est temps de songer à devenir quelque chose ; nous vous aiderons toujours pendant que nous vivrons, mon frère et moi, sans compter ce que nous pourrons vous laisser après notre mort : mais cela ne suffit pas, nous ne saurions vous laisser beaucoup ; le parent que je vais trouver et dont nous sommes héritiers, je ne le crois pas fort riche, et il vous faut choisir un état qui puisse contribuer à vous établir. Je vous dis cela, parce que vous commencez à être raisonnable, ma chère Marianne, et je souhaiterais bien, avant que de mourir, avoir la consolation de vous voir mariée à quelque honnête homme, ou du moins en situation de l’être avantageusement pour vous : il est bien juste que j’aie ce plaisir-là.

Je me jetai entre ses bras après ce discours, je pleurai et elle pleura, car c’était la meilleure personne