m’avait faite, je refuserais de lui parler, s’il me demandait sous son nom ; l’autre, que l’abbesse voudrait peut-être savoir ce qui l’amenait, et qui il était, avant que de me permettre de le voir ; au lieu que toutes ces difficultés n’y seraient plus, dès qu’il paraîtrait sous la figure d’un domestique, qui venait même de la part de Mme de Miran : car c’était une précaution qu’il avait prise.
Mais cette fois-ci, il comprit bien par la teneur de mon billet, qui était simple, que je le dispensais de tout déguisement, et qu’il n’en était pas besoin.
Il m’a avoué depuis que le peu de façon que j’y faisais l’avait inquiété : et effectivement, ce n’était pas trop bon signe ; une pareille visite n’avait plus l’air d’intrigue : elle était trop innocente pour promettre quelque chose de bien favorable.
Quoi qu’il en soit, onze heures venaient de sonner, quand l’abbesse elle-même vint m’annoncer Valville.
Allez, Marianne, me dit-elle ; c’est le fils de Mme de Miran qui vous demande ; elle me dit hier, après qu’elle vous eut quittée, qu’il viendrait vous voir. Il vous attend.
Le cœur me battit dès que j’appris qu’il était là. Je vous suis bien obligée, madame, répondis-je ; j’y vais. Et je partis. Mais je marchai lentement, pour me donner le temps de me rassurer.
J’allais soutenir une terrible scène, je craignais de manquer de courage ; je me craignais moi-même, j’avais peur que mon cœur ne servît lâchement ma bienfaitrice.