Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/278

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faveur de leur orgueil qu’ils prêchent ; de sorte que c’est presque toujours le péché qui prêche la vertu dans nos chaires.

La cérémonie finie, Mme de Miran me demanda, et vint au parloir avant que de partir ; elle n’avait que son fils avec elle : M. de Climal s’était déjà retiré. Bonjour, Marianne, me dit-elle ; le reste de ma compagnie m’attend en bas, à l’exception de mon frère, qui est parti, et je ne suis montée que pour te dire un mot. Voici Valville qui t’aime toujours, qui me persécute, qui est toujours à mes genoux pour obtenir que je consente à ses desseins ; il dit que je ferais son malheur si je m’y opposais, que c’est une inclination insurmontable, que sa destinée est de t’aimer et d’être à toi. Je me rends, je ne saurais dans le fond condamner le choix de son cœur ; tu es estimable, et c’est assez pour un homme qui t’aime et qui est riche. Ainsi, mes enfants, aimez-vous, je vous le permets. Toute autre mère que moi n’en agirait pas de même. Suivant les maximes du monde, mon fils fait une folie, et je ne suis pas sage de souffrir qu’il la fasse ; mais il y va, dit-il, du repos de sa vie, et il me faudrait un autre cœur que le mien pour résister à cette raison-là. Je songe que Valville ne blesse point le véritable honneur, qu’il ne s’écarte que des usages établis, qu’il ne fait tort qu’à sa fortune, qu’il peut se passer d’augmenter. Il assure qu’il ne saurait vivre sans toi ; je conviens de tout le mérite qu’il te trouve : il n’y aura, dans cette occasion-ci, que les hommes et leurs coutumes de choqués ;