Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/280

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Là, je m’arrêtai, hors d’état d’en dire davantage à cause de mes larmes ; je m’étais jetée à genoux, et j’avais passé une moitié de ma main par la grille pour avoir celle de Mme de Miran, qui en effet approcha la sienne ; et Valville, éperdu de joie et comme hors de lui, se jeta sur nos deux mains, qu’il baisait alternativement.

Écoutez, mes enfants, dit Mme de Miran après avoir regardé quelque temps les transports de son fils, il faut user de quelque prudence en cette conjoncture-ci ; tant que vous resterez dans ce couvent, ma fille, je défends à Valville de vous y venir voir sans moi ; vous avez conté votre histoire à l’abbesse, elle pourrait se douter que mon fils vous aime, que peut-être j’y consens ; elle en raisonnerait avec ses religieuses, qui en parleraient à d’autres, et c’est ce que je veux éviter. Il n’est pas même à propos que vous demeuriez longtemps dans cette maison, Marianne ; je vous y laisserai encore trois semaines ou tout au plus un mois, pendant lequel je vous chercherai un couvent où l’on ne saura rien des accidents de votre vie, et où, sous un autre nom que le mien, je vous placerai moi-même, en attendant que j’aie pris des mesures, et que j’aie vu comment je me conduirai pour préparer les esprits à votre mariage, et pour empêcher qu’il n’étonne. On vient à bout de tout avec un peu de patience et d’adresse, surtout quand on a une mère comme moi pour confidente.

Valville, là-dessus, allait retomber dans ses remerciements, et moi dans les témoignages de mon respect