Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/281

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et de ma tendresse, mais elle se leva : Tu sais qu’on m’attend, dit-elle à son fils ; renferme ta joie, je te dispense de me la montrer, je la vois de reste. Descendons.

Ma mère, reprit son fils, Marianne sera encore un mois ici. Vous me défendez de la voir sans vous ; cela ne veut-il pas dire que je vous accompagnerai quelquefois, quand vous viendrez ? Oui, oui, dit-elle, il faudra bien, mais une ou deux fois seulement, et pas davantage. Allons, sortons, au nom de Dieu, laisse-moi te conduite ; il y aura une difficulté à laquelle je ne songeais pas : c’est que mon frère connaît Marianne, sait qui elle est ; et peut-être serons-nous obligés de vous marier secrètement. Tu es son héritier, mon fils, c’est à quoi il faut prendre garde. Il est vrai qu’après son aventure avec Marianne, on pourrait espérer de le gagner, de lui faire entendre raison ; et nous consulterons sur le parti qu’il y aura à prendre ; il m’aime, il a quelque confiance en moi, je la mettrai à profit, et tout peut s’arranger. Adieu, ma fille. Et sur-le-champ elle se hâta de descendre, et me laissa plus charmée que je n’entreprendrai de le dire.

Je vous ai conté qu’il y avait trois ou quatre nuits que je n’avais presque pas dormi de pure inquiétude ; à présent, mettez-en pour le moins autant que je passai dans l’insomnie. Rien ne réveille tant qu’une extrême joie, ou que l’attente certaine d’un grand bonheur ; et sur ce pied-là, jugez si je devais avoir beaucoup de disposition à dormir.