Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/284

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Il est vrai qu’avec un maintien sage et modeste, moins de gens viendront lui dire : Je vous aime ; mais il y en aura peut-être encore plus qui le lui diraient, s’ils osaient : ainsi ce ne sera pour elle que des déclarations de moins, et non pas des amants ; de façon qu’elle y gagnera du respect, et n’y perdra rien du côté de l’amour.

Cette réflexion a coulé de ma plume sans que j’y prisse garde ; heureusement elle est courte, et j’espère qu’elle ne vous ennuiera pas. Continuons.

Onze heures sont sonnées ; il est temps de m’habiller, et je vais me mettre du meilleur air qu’il me sera possible, puisqu’on le veut ; et c’est encore bon signe qu’on le veuille, c’est une marque que Mme de Miran persiste à m’abandonner le cœur de Valville. Si elle hésitait, elle n’exposerait pas ce jeune homme à tous mes appâts, n’est-il pas vrai ?

C’est aussi ce que je pense en m’habillant, et j’ai bien du plaisir à le penser, mes grâces s’en ressentiront, j’en aurai le teint plus clair, et les yeux plus vifs.

Mais me voilà prête, une heure va sonner, j’attends Mme de Miran ; et pour me désennuyer en l’attendant, je vais de temps en temps me regarder dans mon miroir, retoucher à ma coiffure qui va fort bien, et à qui pourtant, par une nécessité de geste, je refais toujours quelque chose.

On ouvre ma porte, Mme de Miran vient d’arriver, on m’en avertit, et je pars. Son fils était à la porte du couvent, et il me donna la main jusqu’au carrosse où ma bienfaitrice était restée.