Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/296

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dans quiconque a beaucoup d’esprit. Plus il en a, plus il les humilie ; il voit trop clair dans ce qu’il fait pour eux. Cet esprit qu’il a en est un témoin trop exact, et peut-être trop superbe : d’ailleurs, ils ne sauraient plus manquer de reconnaissance sans en être honteux ; ce qui les fâche au point qu’ils en manquent d’avance, précisément à cause qu’on sait trop toute celle qu’ils doivent. S’ils avaient affaire à quelqu’un qui le sût moins, ils en auraient davantage.

Avec cette personne qui a tant d’esprit, il faudra, se disent-ils, qu’ils prennent garde de ne pas paraître ingrats ; au lieu qu’avec cette personne qui en aurait moins, leur reconnaissance leur ferait presque autant d’honneur que s’ils étaient eux-mêmes généreux.

Voilà pourquoi ils aiment tant la bonté de l’une, et pourquoi ils jugent avec tant de rancune de la bonté de l’autre.

L’une sait bien en gros qu’elle leur rend service, mais elle ne le sait pas finement ; la moitié de ce qui en est lui échappe faute de lumière, et c’est autant de rabattu