Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/325

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notre amour ? M’abandonnera-t-elle un fils qui pourra faire les plus grandes alliances, à qui on va les proposer, et qu’elles tenteront peut-être ? Il y avait effectivement lieu d’être alarmée.

Au moment où je raisonnais ainsi, Valville avait beaucoup de tendresse pour moi, j’en étais sûre ; et tant qu’il ne s’agissait que d’épouser quelqu’une de ses égales, il m’aimait assez pour être insensible à l’avantage qu’il aurait pu y trouver. Mais le serait-il à l’ambition de s’allier à une famille encore au-dessus de la sienne, et plus puissante ? Résisterait-il à l’appât des honneurs et des emplois qu’elle pourrait lui procurer ? Aurait-il de l’amour jusque-là ? Il y a des degrés de générosité supérieurs à des âmes très généreuses. Les cœurs capables de soutenir toutes sortes d’épreuves en pareil cas sont si rares ! Les cœurs qui ne se rendent qu’aux plus fortes le sont même aussi.

Je n’avais pourtant rien à craindre de ce côté-là ; ce n’est pas l’ambition qui me nuira dans le cœur de Valville. Quoi qu’il en soit, je fus inquiète, et je ne dormis guère.

Je venais de me lever le lendemain, quand je vis entrer une religieuse dans ma chambre, qui me dit de la part de l’abbesse de m’habiller le plus vite que je pourrais, et cela en conséquence d’un billet que lui avait écrit Mme de Miran, où elle la priait de