Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/326

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me faire partir au plus tôt. Il y a même, ajouta cette religieuse, un carrosse qui vous attend dans la cour.

Autre sujet d’inquiétude pour moi ; le cœur me battit ; m’envoyer chercher si matin ! me dis-je. Eh ! mon Dieu, qu’est-il donc arrivé ? Qu’est-ce que cela m’annonce ? Je n’ai pour toute ressource ici que la protection de Mme de Miran (car je n’osais plus en ce moment dire ma mère) ; veut-on me l’ôter ? est-ce que je vais la perdre ? On n’est sûre de rien dans l’état où j’étais. Ma condition présente ne tenait à rien ; personne n’était obligé de m’y soutenir : je ne la devais qu’à un bon cœur, qui pouvait tour d’un coup me retirer ses bienfaits, et m’abandonner sans que j’eusse à me plaindre ; et ce bon cœur, il ne fallait qu’un mauvais rapport, qu’une imposture pour le dégoûter de moi ; et tout cela me roulait dans la tête en m’habillant. Les malheureux ont toujours si mauvaise opinion de leur sort ! Ils se fient si peu au bonheur qui leur arrive !

Enfin me voilà prête ; je sortis dans un ajustement fort négligé, et j’allai monter en carrosse. Je pensais en chemin qu’on me menait chez Mme de Miran ; point du tout ; ce fut chez M. de Climal qu’on arrêta.