Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/334

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silence après que Mme de Miran fut sortie ; nous entendîmes soupirer M. de Climal.

Je vous ai fait prier, dit-il en se retournant un peu de notre côté, de venir ici ce matin, mon père, et je ne vous ai point encore instruit des raisons que j’ai pour vous y appeler ; j’ai voulu aussi que mon neveu fût présent ; il le fallait, à cause de mademoiselle que ceci regarde.

Il reprit haleine en cet endroit ; je rougis, les mains me tremblèrent ; et voici comment il continua :

C’est vous, mon père, qui me l’avez amenée, dit-il en parlant de moi ; elle était dans une situation qui l’exposait beaucoup ; vous vîntes lui chercher du secours chez moi, vous me choisîtes pour lui en donner. Vous me croyiez un homme de bien, et vous vous trompiez, mon père, je n’étais pas digne de votre confiance.

Et comme alors le religieux parut vouloir l’arrêter par un geste qu’il fit : Ah ! mon père, lui dit-il, au nom de Dieu, dont je tâche de fléchir la justice, ne vous opposez point à celle que je veux me rendre. Vous savez l’estime et peut-être la vénération dont vous m’avez honoré de si bonne foi ; vous savez la réputation où je suis dans le public ; on m’y respecte comme un homme plein de vertu et de piété ; j’y ai joui des récompenses de la vertu, et je ne les méritais pas, c’est un vol que j’ai fait. Souffrez donc que je l’expie, s’il est possible, par l’aveu des fourberies qui vous ont jeté dans l’erreur, vous et tout le monde, et que je vous apprenne, au contraire, tout le mépris