Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/335

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que je méritais, et toute l’horreur qu’on aurait eu pour moi, si on avait connu le fond de mon abominable conscience.

Ah ! mon Dieu, soyez béni, sauveur de nos âmes ! s’écria le père Saint-Vincent.

Oui, mon père, reprit M. de Climal, en nous regardant avec des yeux baignés de larmes, et d’un ton auquel on ne pouvait pas résister ; voilà quel était l’homme à qui vous êtes venu confier mademoiselle ; vous ne vous adressiez qu’à un misérable ; et toutes les bonnes actions que vous m’avez vu faire (je ne saurais trop le répéter) sont autant de crimes dont je suis coupable devant Dieu, autant d’impostures qui m’ont mis en état de faire le mal, et pour lesquelles je voudrais être exposé à tous les opprobres, à toutes les ignominies qu’un homme peut souffrir sur la terre ; encore n’égaleraient-elles pas les horreurs de ma vie.

Ah ! monsieur, en voilà assez, dit le père Saint-Vincent, en voilà assez ! Allons, il n’y a plus qu’à louer Dieu des sentiments qu’il vous donne. Que d’obligations vous lui avez ! de quelles faveurs ne vous comble-t-il pas ! Ô bonté de mon Dieu, bonté incompréhensible, nous vous adorons ! Voici les merveilles de la grâce ; je suis pénétré de ce que je viens d’entendre, pénétré jusqu’au fond du cœur. Oui, monsieur, vous avez raison, vous êtes bien coupable ; vous renoncez à notre estime, à la bonne opinion qu’on a de vous dans le monde ; vous voudriez mourir méprisé, et vous vous écriez : Je suis