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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/353

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petites honnêtetés que l’inclination suggère à deux personnes qui ont du plaisir à se voir.

Nous nous regardions avec complaisance, et comme l’amour a ses droits, quelquefois aussi je regardais Valville, qui, de son côté et à son ordinaire, avait presque toujours les yeux sur moi.

je crois que Mlle de Fare remarqua nos regards. Mademoiselle, me dit-elle tout bas pendant que sa mère et Mme de Miran se parlaient, je voudrais bien ne me pas tromper dans ce que je pense ; et cela étant vous ne quitteriez point Paris.

je ne sais pas ce que vous entendez, lui répondis-je du même ton (et effectivement je n’en savais rien) ; mais, à tout hasard, je crois que vous pensez toujours juste ; voulez-vous bien à présent me dire votre pensée, mademoiselle ?

C’est, reprit-elle toujours tout bas, que madame votre mère est la meilleure amie de Mme de Miran, et que vous pourriez bien épouser mon cousin ; dites-moi ce qui en est à votre tour.

Cela n’était pas aisé ; la question m’embarrassa, m’alarma même ; j’en rougis, et puis j’eus peur qu’elle ne vît que je rougissais, et que cela ne trahît un secret qui me faisait trop d’honneur. Enfin j’ignore ce que j’aurais répondu, si sa mère ne m’avait pas tirée d’affaire. Heureusement, comme je vous l’ai dit, c’était de ces femmes qui voient tout, qui veulent tout savoir.

Elle s’aperçut que nous nous parlions : Qu’est-ce que c’est, ma fille ? dit-elle ; de quoi est-il question ?