Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/357

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j’aimais, qui m’adorait, qui avait la liberté de me le dire, qui me le disait à chaque instant, et dont on trouvait bon que je reçusse les hommages, à qui même il m’était permis de marquer modestement du retour. Aussi n’y manquais-je pas ; il me parlait, et moi je le regardais, et ses discours n’étaient pas plus tendres que mes regards, Il le sentait bien : ses expressions en devenaient plus passionnées, et le langage de mes yeux encore plus doux.

Quelle agréable situation ! d’un côté Valville qui m’idolâtrait, de l’autre Mlle de Fare qui ne savait quelles caresses me faire ; et de ma part un cœur plein de sensibilité pour tout cela. Nous nous promenions tous trois dans le bois de la maison ; nous avions laissé Mme de Fare occupée à recevoir deux personnes qui venaient d’arriver pour souper chez elle ; et comme les tendresses de Valville interrompaient ce que nous nous disions, cette aimable fille et moi, nous nous avisâmes, par un mouvement de gaieté, de le fuir, de l’écarter d’auprès de nous, et de lui jeter des feuilles que nous arrachions des bosquets.

Il nous poursuivait, nous courions, il me saisit, elle vint à mon secours, et mon âme se livrait à une joie qui ne devait pas durer.