Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/36

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moi. Oui, c’est un savant du premier ordre qui a parlé comme cela ; car ces hommes, tout fiers qu’ils sont de leur science, ils ont quelquefois des moments où la vérité leur échappe d’abondance de cœur, et où ils se sentent si las de leur présomption, qu’ils la quittent pour respirer en francs ignorants comme ils sont : cela les soulage, et moi, de mon côté, j’avais besoin de dire un peu ce que je pensais d’eux.

Je fus donc frappée d’une douleur mortelle en voyant que cette vertueuse fille, à qui je devais tant, se mourait : elle avait eu beau me parler de sa mort, je n’avais point imaginé que sa maladie la conduisît jusque-là.

Mes gémissements firent retentir la maison, ils réveillèrent tout le monde ; l’hôte et l’hôtesse, se doutant de la vérité, se levèrent et vinrent frapper à la porte de notre chambre ; je l’ouvris sans savoir que je l’ouvrais : ils me parlèrent, et je faisais des cris pour toute réponse ; ils furent bientôt instruits de la cause de ma désolation, et voulurent secourir cette fille