Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/382

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j’aime encore mieux, dans cette occasion-ci, qu’il le tienne de vous que de son oncle. Voyez, je vous prie, quel début !

Hélas ! ma mère, lui répondis-je, ce qui me touche le plus dans tout cela, c’est la manière dont vous me traitez ; mon Dieu, que je vous ai d’obligations ! Y a-t-il rien qui vaille la tendresse dont vous m’honorez ? Vous savez, ma mère, que j’aime M. de Valville, mais mon cœur est encore plus à vous qu’à lui ; ma reconnaissance pour vous m’est plus chère que mon amour. Et là-dessus, je me mis à pleurer.

Va, Marianne, me dit-elle, ta reconnaissance me fait grand plaisir, mais je n’en veux jamais d’autre de toi que celle qu’une fille doit avoir pour une mère bien tendre : voilà de quelle espèce j’exige que soit la tienne. Souviens-toi que ce n’est plus une étrangère, mais que c’est ma fille que j’aime ; tu vas bientôt achever de la devenir, et je t’avoue qu’à présent je le souhaite autant que toi. Je vieillis. Je viens de perdre le seul frère qui me restait ; je sens que je me détache de la vie, et je ne m’y propose plus d’autre douceur que celle d’avoir Marianne auprès de moi ; je ne pourrais plus me passer de ma fille.

Mes pleurs recommencèrent à ce discours. Je te retirerai d’ici dans quelques jours, ajouta-t-elle, et je t’ai déjà retenu ta place dans un autre couvent. Es-tu contente de Mme de Fare ? je ne l’ai pas revue depuis que tu es revenue de chez elle ; elle vint hier pour me voir, mais j’étais indisposée et ne recevais personne. S’est-il encore dit quelque chose chez elle