Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/385

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manières étaient bien changées, ma mère, je suis obligée de vous l’avouer ; je croirais faire une perfidie si je vous le cachais. Vous avez eu la bonté de dire que j’étais la fille d’une de vos amies de province ; mais il n’y a plus moyen de se sauver par là ; Mme de Fare sait que je ne suis qu’une pauvre orpheline, ou du moins que je ne connais point ceux qui m’ont mis au monde, et que c’était par pure charité que M. de Climal m’avait placée chez Mme Dutour. Voilà sur quoi il faut que vous comptiez, et ce que j’ai cru qu’il était de mon devoir de vous apprendre. M. de Valville ne vous en a pas avertie ; mais c’est qu’il m’aime, et qu’il a craint que vous ne voulussiez plus consentir à notre mariage, et il faut lui pardonner ; il est votre fils, c’est une liberté qu’il a pu prendre avec vous ; sans compter qu’il n’y a personne que cette aventure-ci regarde de si près que lui ; c’est lui qui en souffrirait le plus, puisqu’il serait mon mari ; mais moi qui en aurais tout le profit, et qui ne veux pas l’avoir par une surprise qui vous serait préjudiciable, moi que vous avez accablée de bienfaits, qui ne dois la qualité de votre fille qu’à votre bon cœur, et qui n’ai pas les privilèges de M. de Valville, je m’imagine que je ne serais pas pardonnable si j’avais des ruses avec vous, et si je vous dissimulais une chose qui a de quoi vous détourner du dessein où vous êtes de nous marier ensemble. (Mme de Miran, pendant que je lui parlais, me regardait avec une attention dont je ne pénétrais pas le motif ; mais de l’air dont elle fixait ses