Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/391

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pouvait-il m’échapper ? Y avait-il de revers plus terrible pour moi que celui que je venais d’essuyer, et dont je sortais victorieuse ? Non, sans doute, et puisque la bonté de Mme de Miran à mon égard résistait à d’aussi puissants motifs de dégoût, je pouvais défier le sort de me nuire ; c’en était fait, ceci épuisait tout ; et je n’avais plus contre moi, raisonnablement parlant, que la mort de ma mère, celle de son fils, ou la mienne.

Encore celle de ma mère, qui, je crois (et l’amour me le pardonne), qui, dis-je, m’aurait, je pense, été plus sensible que celle de Valville même, n’aurait pas, suivant toute apparence, empêché pour lors notre mariage ; de sorte que je nageais dans la joie, et je me disais : Tous mes malheurs sont donc finis ; et qui plus est, si mes premières infortunes ont commencé par être excessives, il me semble que mes premières prospérités commencent de même ; je n’ai peut-être pas perdu plus de biens que j’en retrouve ; la mère à qui je dois la vie n’aurait peut-être pas été plus tendre que la mère qui m’adopte, et ne m’aurait pas laissé un meilleur nom que celui que je vais porter.

Mme de Miran me tint parole ; dix ou douze jours se passèrent sans que je la visse ; mais presque tous les jours elle envoyait au couvent, et je reçus aussi deux ou trois billets de Valville, et ceux-ci, sa mère les savait ; je ne vous les rapporterai point, il