Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/402

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avons reçue avec tendresse, et charmées de vous.

Hélas ! ma mère, répondis-je en jetant un soupir, je ne vous accuse de rien ; je vous rends mille grâces, à vous et à ces dames, de tout ce que vous pensez d’obligeant pour moi.

Et je leur dis ce peu de mots d’un air si plaintif et si attendrissant, on a quelquefois des tons si touchants dans la douleur ; avec cela, j’étais si jeune, et par là si intéressante, que je fis, je pense, pleurer ces bonnes filles.

Elle n’a pas dîné sans doute, dit une d’entre elles ; il faudrait lui apporter quelque chose. Il n’est pas nécessaire, repris-je, et je vous en remercie, je ne mangerais point.

Mais il fut décidé que je prendrais du moins un potage, qu’on alla chercher, et qu’on apporta avec un petit dîner de communauté ; et pour dessert, du fruit d’assez bonne mine.

je refusais le tout d’abord ; mais ces religieuses étaient si pressantes, et ces personnes-là, dans leurs douces façons, ont quelque chose de si engageant, que je ne pus me dispenser de goûter de ce potage, de manger du reste, et de boire un coup de vin et d’eau, toujours en refusant, toujours en disant : Je ne saurais.

Enfin, m’en voilà quitte ; me voilà, non pas consolée, mais du moins assez calme. À force de pleurer on tarit les larmes ; je venais de prendre un peu de nourriture, on me caressait beaucoup, et insensiblement cette désolation à laquelle je m’étais abandonnée se