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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/417

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car jusqu’alors je n’avais pas fait réflexion que mes hardes me manquaient, et quand j’y aurais songé, je n’aurais eu garde de les demander ; il n’y a point d’extrémité que je n’eusse plutôt soufferte.

Quoi qu’il en soit, dès que je les vis, mon malheur me parut sans retour. M’apporter jusqu’à mon coffre ! il n’y a donc plus de ressource. Vous eussiez dit que tout le reste n’était encore rien en comparaison de cela ; ce malheureux coffre en signifiait cent fois davantage ; il décidait, et il m’accabla ; ce fut un trait de rigueur qui me laissa sans réplique.

Allons, me dis-je, voilà ce qui est fait ; tout le monde est d’accord contre moi ; c’est un adieu éternel qu’on me donne ; il est certain que ma mère et son fils sont de la partie.

Demandez-moi pourquoi je tirais si affirmativement cette conséquence. Il faudrait vingt pages pour vous l’expliquer ; ce n’était pas ma raison, c’était ma douleur qui concluait ainsi.

Dans les circonstances où j’étais, il y a des choses qui ne sont point importantes en elles-mêmes, mais qui sont tristes à voir au premier coup d’œil, qui ont une apparence effrayante ; et c’est par là qu’on les saisit quand on a l’âme déjà disposée à la crainte.

On m’apporte mes hardes, on ne veut donc plus de moi ; on rompt donc tout. commerce ; il est donc résolu qu’on ne me verra plus ; voilà de quoi cela avait l’air pour une personne déjà aussi découragée que je l’étais. Et ce n’aurait rien été, si j’avais raisonné.