Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/419

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Vous savez donc quelque chose de ce qui me regarde ? lui dis-je. Eh ! mais oui, me répondit-elle ; j’en ai entendu dire quelques mots par-ci par-là ; il s’agit d’un homme d’importance qu’on ne veut pas que vous épousiez, n’est-ce pas ?

À peu près, repris-je. Eh bien ! me repartit-elle, ôtez que vous êtes peut-être entêtée de ce jeune homme qu’on vous refuse ; par ma foi ! je ne trouve point que vous ayez tant à vous plaindre. On dit que vous n’avez ni père ni mère, et qu’on ne sait ni d’où vous venez, ni qui vous êtes ; on ne vous en fait point un reproche, ce n’est pas votre faute ; mais entre nous, qu’est-ce qu’on devient avec cela ? On reste sur le pavé ; on vous en montrera mille comme vous qui y sont ; cependant il n’en est ni plus ni moins pour vous. On vous ôte un amant qui est trop grand seigneur pour être votre mari ; mais en revanche, on vous en donne un autre que vous n’auriez jamais eu, et dont une belle et bonne fille de bourgeois s’accommoderait à merveille. Je n’en trouverai pas un pareil, moi qui ai père et mère, oncle et tante, et tous les parents, tous les cousins du monde ; et il faut que vous soyez née coiffée. Je vous en parle savamment, au reste ; car j’ai vu le mari dont il s’agit.