Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

C’est un jeune homme de vingt-sept à vingt-huit ans, vraiment fort joli garçon, fort bien fait. Je ne sais pas son bien ; mais il a de si bonnes protections, qu’il n’en a que faire, et il ira loin. Je ne dis pas qu’à son tour il ne soit fort heureux de vous avoir ; mais cela n’empêche pas que ce ne soit une fortune et un très bon établissement pour vous.

Enfin, nous verrons, lui répondis-je, sans vouloir disputer avec elle. Mais pourriez-vous m’apprendre qui sont les gens chez qui vous me menez, et à qui je vais parler ?

Oh ! reprit-elle, ce sont des personnes de très grande importance ; vous êtes en de bonnes mains. Nous allons chez Mme de… qui est une parente de la famille de votre premier amant. Or, cette dame, qu’elle me nommait, n’était, s’il vous plaît, que la femme du ministre, et je devais paraître devant le ministre même, ou, pour mieux dire, j’allais chez lui. Jugez à quelles fortes parties j’avais affaire, et s’il me restait la moindre lueur d’espérance dans ma disgrâce.

Je vous ai dit que j’avais imaginé que Mme de Miran ou son fils pourraient me rencontrer en chemin ; mais quand même ce hasard-là me serait arrivé, il me serait devenu bien inutile, par la précaution que prit la femme, qui avait apparemment ses ordres : il y avait des rideaux tirés sur les glaces du carrosse, de façon que je ne pouvais ni voir ni être vue.

Nous arrivâmes, et on nous arrêta à une porte de derrière qui donnait dans un vaste jardin, que nous