Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/45

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le plus petit métier qu’il y ait, et le plus pénible, pourvu que je sois libre, à l’état dont vous me parlez, quand j’y devrais faire ma fortune. Eh ! mon enfant, me dit-il, tranquillisez-vous ; je vous loue de penser comme cela, c’est une marque que vous avez du cœur, et cette fierté-là est permise. Il ne faut pas la pousser trop loin, elle ne serait plus raisonnable : quelque conjecture avantageuse qu’on puisse faire de votre naissance, cela ne vous donne aucun état, et vous devez vous régler là-dessus : mais enfin nous suivrons les vues de cette amie que vous avez perdue ; il en coûtera davantage, c’est une pension qu’il faudra payer ; mais n’importe, dès aujourd’hui vous serez placée : je vais vous mener chez ma marchande de linge, et vous y serez la bienvenue ; êtes-vous contente ? Oui monsieur, lui dis-je, et jamais je n’oublierai vos bontés. Profitez-en, mademoiselle, dit alors le religieux qui nous avait jusque-là laissé faire tout notre dialogue, et comportez-vous d’une manière qui récompense monsieur des soins où sa piété l’engage pour vous. Je crains bien, reprit alors notre homme d’un ton dévot et scrupuleux, je crains bien de n’avoir point de mérite à la secourir, car je suis trop sensible à son infortune.

Alors il se leva et dit : Ne perdons point de temps, il se fait tard, allons chez la marchande dont je vous ai parlé, mademoiselle ; pour vous, mon père, vous pouvez à présent vous retirer, je vous rendrai bon compte du dépôt que vous me confiez. Là-dessus, le