Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/454

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vous prie, lui repartit le ministre sans hausser le ton, mais d’un air sérieux madame vaut bien qu’on lui parle raison.

J’avoue, reprit-il, qu’il est probable, sur tout ce que vous nous rapportez, que la jeune enfant a de la naissance : mais la catastrophe en question a jeté là-dessus une obscurité qui blesse, qu’on vous reprocherait, et dont nos usages ne veulent pas qu’on fasse si peu de compte. Je suis totalement de votre avis pourtant sur les égards que vous avez pour elle ; ce ne sera pas moi qui lui refuserai le titre de mademoiselle, et je crois avec vous qu’on le doit même à la condition dont elle est ; mais remarquez que nous le croyons, vous et moi, par un sentiment généreux qui ne sera peut-être avoué de personne ; que, du moins, qui que ce soit n’est obligé d’avoir, et dont peu de gens seront capables. C’est comme un présent que nous lui faisons, et que les autres peuvent se dispenser de lui faire. Je dirai bien avec vous qu’ils auront tort, mais ils ne le sentiront point ; ils vous répondront qu’il n’y a rien d’établi en pareil cas, et vous n’aurez rien à leur répliquer, rien qui puisse vous justifier auprès d’eux, si vous portez la générosité jusqu’à un certain excès, tel que le serait le mariage dont le bruit court, et auquel je n’ajoute point de foi. Je ne doute pas même que vous ne leviez volontiers tout soupçon sur cet article, et j’en ai trouvé un moyen qui est facile. J’ai imaginé de pourvoir avantageusement mademoiselle, de la marier à un jeune homme né de fort honnêtes gens, qui a déjà quelque bien, dont j’augmenterai la fortune, et