Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/47

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bien ; quand vous venez vous appesantir sur le détail de mes maux, dirais-je à ces gens-là, quand vous venez me confronter avec toute ma misère, et que le cérémonial de vos questions, ou plutôt de l’interrogatoire dont vous m’accablez, marche devant les secours que vous me donnez, voilà ce que vous appelez faire une œuvre de charité ; et moi je dis que c’est une œuvre brutale et haïssable, œuvre de métier et non de sentiment.

J’ai fini ; que ceux qui ont besoin de leçons là-dessus profitent de celle que je leur donne ; elle vient de bonne part, car je leur parle d’après mon expérience.

Je me suis laissée dans le carrosse avec mon homme pour aller chez la marchande : je me souviens qu’il me questionnait beaucoup dans le chemin, et que je lui répondais d’un ton bas et douloureux ; je n’osais me remuer, je ne tenais presque point de place, et j’avais le cœur mort.

Cependant, malgré l’anéantissement où je me sentais, j’étais étonnée des choses dont il m’entretenait ; je trouvais sa conversation singulière ; il me semblait que mon