Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/472

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pas de vous dire que j’ai mille fois plus encore songé à vous qu’à lui. C’était ma mère qui m’occupait, c’était sa tendresse et son bon cœur ; que fera-t-elle ? que ne fera-t-elle pas ? me disais-je, et toujours ma mère dans l’esprit. Toutes mes pensées vous regardaient, je ne savais pas si vous réussiriez à me tirer d’embarras ; mais ce que je souhaitais le plus, c’était que ma mère fût bien fâchée de ne plus voir sa fille ; je désirais cent fois plus sa tendresse que ma délivrance, et j’aurais tout enduré, hormis d’être abandonnée d’elle. J’étais si pleine de ce que je vous dis là, j’en étais tellement agitée, que j’en sentais quelque petite inquiétude dont je m’accuse, quoiqu’elle n’ait presque pas duré. J’ai pourtant songé aussi à M. de Valville ; car s’il m’oubliait, ce serait une grande affliction pour moi, plus grande que je ne puis le dire ; mais le principal est que vous m’aimiez ; c’est le cœur de ma mère qui m’est le plus nécessaire, il va avant tout dans le mien ; car il m’a tant fait de bien, je lui ai tant d’obligation, il m’est si doux de lui être chère ! N’ai-je pas raison, monsieur ?

Mme de Miran m’écoutait en souriant. Levez-vous, petite fille, me dit-elle ensuite ; vous me faites oublier que j’ai à vous quereller de votre imprudence d’hier matin. Je voudrais bien savoir pourquoi vous vous laissez emmener par une femme qui vous est totalement inconnue, qui vient vous chercher sans billet de ma part, et dans un équipage qui n’est pas à moi non plus. Où était votre esprit de n’avoir