Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/481

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complaisance qu’elle eut pour lui que vont venir les plus grands chagrins que j’aie eus de ma vie.

Une dame de grande distinction était venue la veille à mon couvent avec sa fille, qu’elle voulait y mettre en pension jusqu’à son retour d’un voyage qu’elle allait faire en Angleterre, pour y recueillir une succession que lui laissait la mort de sa mère.

Il y avait très peu de temps que le mari de cette dame était mort en France. C’était un seigneur anglais, qu’à l’exemple de beaucoup d’autres, son zèle et sa fidélité pour son roi avaient obligé de sortir de son pays ; et sa veuve, dont le bien avait fait toute sa ressource, partait pour le vendre et pour recueillir cette succession, dont elle voulait se défaire aussi, dans le dessein de revenir en France, où elle avait fixé son séjour.

Elle était donc convenue la veille avec l’abbesse que sa fille entrerait le lendemain dans ce couvent, et elle venait positivement de l’amener, quand nous arrivâmes ; de sorte que nous trouvâmes leur carrosse dans la cour.

À peine sortions-nous du nôtre, que nous vîmes ces deux dames descendre d’un parloir, d’où elles venaient d’avoir un moment d’entretien avec l’abbesse.

On ouvrait déjà la porte du couvent pour recevoir la fille, qui, jetant les yeux sur cette porte ouverte et sur quelques religieuses qui l’attendaient, regarda ensuite sa mère qui pleurait, et tomba tout à coup évanouie entre ses bras.