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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/5

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JUGEMENT
SUR
LE ROMAN DE MARIANNE


Je crois inutile d’examiner à quelle classe de romans appartient Marianne. Très-peu partisan de ces classifications arbitraires que l’on a transportées du domaine de la science, où elles ont dû moins l’avantage de soulager la mémoire, dans celui de l’imagination où elles n’ont d’autre effet que de la distraire et de l’embrasser, je pense qu’il est bon d’appliquer aux productions de l’esprit la seule distinction qu’un grand compositeur appliquait il y a quelques années à la musique, et que, le genre une fois donné, tout se réduit à la question de savoir si l’ouvrage plaît, s’il touche, s’il intéresse, s’il instruit, ou bien s’il est long, commun, insipide ; en un mot, s’il est bon ou s’il est mauvais. C’est là, en définitive, la classification à laquelle il faut revenir.

Il y a, dit-on, des romans de mœurs ; il y a des romans historiques. Dans les premiers, on trouve moins de récits et plus de développement de passions ; dans les seconds, les aventures sont plus multipliées, et la peinture du cœur humain y est subordonnée à l’intérêt et à la quantité des événements extraordinaires : voilà pour le fond. Quant à la forme, la variété est encore plus marquée ; tantôt, comme dans Clarisse, dans La Nouvelle Héloïse, dans