Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/6

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les Liaisons Dangereuses, l’auteur a recours à la supposition d’une correspondance suivie entre ses différents personnages ; tantôt, empruntant les formes de l’épopée, il se fait lui-même l’historien des aventures de ses héros ; c’est le rôle dont se sont chargés, bien agréablement pour leurs lecteurs, les chantres immortels de Don Quichotte et de Tom-Jones. Ailleurs, c’est le personnage principal qui prend la parole, et qui met un ami ou une amie, c’est-à-dire le public, dans la confidence des événemens de sa vie ; telle est la fiction adoptée par l’auteur de Gil Blas et de Marianne. Enfin on a imaginé, comme dans les Mille et une Nuits, un système mixte, dans lequel figurent tour à tour l’écrivain et les personnages. Tout cela, comme on le voit par la réputation des ouvrages que je viens de citer, a été fort indifférent à leur gloire et à leur succès, et il serait facile d’ajouter à cette liste, en rappelant que Paul et Virginie, Atala, Mademoiselle de Clermont et les nombreux romans de sir Walter Scott, aussi éloignés les uns des autres que des chefs-d’œuvre précédens par le genre de la composition et par les formes du style, partagent néanmoins avec eux la vague populaire, et les suffrages plus durables des bons juges en littérature.

On a vu dans la Notice biographique et littéraire, placée en tête du premier volume, que ceux de ces juges mêmes qui passent pour les plus redoutables par la justesse de leur goût et par la sévérité de leur critique, ont assigné à Marianne une place honorable parmi les premiers romans de la littérature française. Comme aucune autre époque n’a été, ce semble, plus féconde que l’époque actuelle en ce genre de productions, comme il n’est pas de jour qui ne révèle l’apparition d’un roman nouveau, comme la multiplication d’une espèce particulière d’ouvrages ne peut s’expliquer que par celle du nombre des