Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/512

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tant que j’en avais moi-même. Il me regrettera, mais je n’y serai plus ; il se ressouviendra combien je l’aimais, il pleurera ma mort. Vous aurez la douleur de le voir ; vous vous reprocherez de m’avoir trahie, et jamais vous ne serez heureuse !

Moi ! vous avoir trahie ! me répondit-elle. Eh ! ma chère Marianne, vous avouerais-je que je l’aime, si je n’avais pas moi-même été surprise, et ne vais-je pas être la victime de tout ceci ? Tâchez de vous calmer un moment pour m’entendre, vous avez le cœur trop bon pour être injuste, et vous l’êtes ; vous allez en juger par ma sincérité.

Je n’avais jamais vu Valville avant la faiblesse dans laquelle je tombai au départ de ma mère ; vous savez qu’il me secourut avec empressement.

Dès que je fus revenue à moi, le premier objet qui me frappa, ce fut lui, qui était à mes genoux. Il me tenait la main. Je ne sais si vous remarquâtes les regards qu’il jetait sur moi. Toute faible que j’étais, j’y pris garde ; il est aimable, vous en convenez ; je le trouvai de même ; il ne cessa presque point d’avoir les yeux sur moi, jusqu’au moment où je m’enfermai ; et par malheur rien de tout cela ne m’échappa.

J’ignorais qui il était. Ce que vous me contâtes de votre histoire ne me l’apprit point ; il est vrai que, je pensais quelquefois à lui, mais comme à quelqu’un que je ne croyais pas revoir. On vint quelques jours après m’avertir qu’une personne (qu’on ne nommait pas) souhaitait de me parler de la part de Mme de