Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/511

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voulez-vous que je vive ? je vous ai donné mon cœur à tous deux, et tous deux vous me donnez la mort. Ah ! je ne survivrai pas à ce tourment-là, je l’espère ; Dieu m’en fera la grâce, et je sens que je me meurs.

Ne me reprochez rien, me dit-elle d’un ton plein de douleur ; je ne suis pas capable d’une perfidie, je vous conterai tout ; il m’a trompée.

Il vous a trompée ? répartis-je. Eh ! pourquoi l’écoutiez-vous, mademoiselle ? Pourquoi l’aimer, pourquoi souffrir qu’il vous aimât ? Votre mère venait de partir, vous étiez dans l’affliction, et vous avez le courage d’aimer. D’ailleurs, il n’était point mon frère, vous le saviez, vous nous aviez trouvés ensemble ; il est aimable, et je suis jeune ; était-il si difficile de soupçonner que nous nous aimions peut-être ? et quelle excuse avez-vous ? Mais, encore une fois, où l’avez-vous vu ? vous vous connaissiez donc ? Comment avez-vous fait pour m’arracher sa tendresse ? On n’en avait jamais eu tant qu’il en avait, et jamais il n’en trouvera