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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/52

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Vous jugez bien qu’avec ces dispositions, Mme Dutour ne me convenait point, non plus que Mlle Toinon, qui était une grande fille qui se redressait toujours, et qui maniait sa toile avec tout le jugement et toute la décence possible ; elle y était toute entière, et son esprit ne passait pas son aune.

Pour moi, j’étais si gauche à ce métier-là, que je l’impatientais à tout moment. Il fallait voir de quel air elle me reprenait, avec quelle fierté de savoir elle corrigeait ma maladresse : et ce qui est plaisant, c’est que l’effet ordinaire de ces corrections, c’était de me rendre encore plus maladroite, parce que j’en devenais plus dégoûtée.

Nous couchions dans la même chambre, comme je vous l’ai déjà dit, et là elle me donnait des leçons pour parvenir, disait-elle ; ensuite, elle me contait l’état de ses parents, leurs facultés, leur caractère, ce qu’ils lui avaient donné pour ses dernières étrennes. Après venait un amant qu’elle avait, qui était un beau garçon fait au tour ; et puis nous irions nous promener ensemble ; et moi, sans en avoir d’envie, je lui répondais que je le voulais bien. Les inclinations de Mme Dutour n’étaient pas oubliées : son amant l’aurait déjà épousée ; mais il n’était pas assez riche, et en attendant, il la voyait toujours, venait souvent manger chez elle, et elle lui faisait un peu