Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/61

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car je voyais qu’il était sûr qu’il m’aimait, qu’il ne me donnait qu’à cause de cela, qu’il espérait me gagner par là, et qu’en prenant ce qu’il me donnait, moi je rendais ses espérances assez bien fondées.

Je consultais donc en moi-même ce que j’avais à faire et à présent que j’y pense, je crois que je ne consultais que pour perdre du temps : j’assemblais je ne sais combien de réflexions dans mon esprit ; je me taillais de la besogne, afin que, dans la confusion de mes pensées, j’eusse plus de peine à prendre mon parti, et que mon indétermination en fût plus excusable. Par là je reculais une rupture avec M. de Climal, et je gardais ce qu’il me donnait.

Cependant, j’étais bien honteuse de ses vues ; ma chère amie, la sœur du curé, me revenait dans l’esprit. Quelle différence affreuse, me disais-je, des secours qu’elle me donnait à ceux que je reçois ! Quelle serait la douleur de cette amie, si elle vivait, et qu’elle vît l’état où je suis ! Il me semblait que mon aventure violait d’une manière cruelle le respect que je devais à sa tendre amitié ; il me semblait que son cœur en soupirait dans le mien ; et tout ce que je vous dis là, je ne l’aurais point exprimé, mais je le sentais.

D’un autre côté, je n’avais plus de retraite, et M. de Climal m’en donnait une ; je manquais de hardes, et il m’en achetait, et c’étaient de belles hardes que j’avais déjà essayées dans mon imagination, et j’avais trouvé qu’elles m’allaient à merveille. Mais je n’avais garde de m’arrêter à cet article qui se mêlait dans mes considérations, car j’aurais rougi du plaisir qu’il