Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/65

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cela à Mme Dutour ; et je pense vous en avoir dit la raison, qu’il ne me dit pourtant pas, mais que je devinai. D’ailleurs, ajouta-t-il, je suis bien aise que mademoiselle soit proprement mise, parce que j’ai des vues pour elle qui pourront réussir. Et tout cela du ton d’un homme vrai et respectable ; car M. de Climal, tête à tête avec moi, ne ressemblait point du tout au M. de Climal parlant aux autres : à la lettre, c’était deux hommes différents ; et quand je lui voyais son visage dévot, je ne pouvais pas comprendre comment ce visage-là ferait pour devenir profane, et tel qu’il était avec moi. Mon Dieu, que les hommes ont de talents pour ne rien valoir !

Il se retira après un demi-quart d’heure de conversation avec Mme Dutour. Il ne fut pas plus tôt parti, que celle-ci, à qui il avait conté mon histoire, se mit à louer sa piété et la bonté de son cœur. Marianne, me dit-elle, vous avez fait là une bonne rencontre quand vous l’avez connu ; voyez ce que c’est, il a autant de soin de vous que si vous étiez son enfant ; cet homme-là n’a peut-être pas son pareil dans le monde pour être bon et charitable.

Le mot de charité ne fut pas fort de mon goût : il était un peu cru pour un amour-propre aussi douillet que le mien ; mais Mme Dutour n’en savait pas davantage, ses expressions allaient comme son esprit, qui allait comme il plaisait à son peu de malice et de finesse. Je fis pourtant la grimace, mais je ne dis rien, car nous n’avions pour témoin que la grave Mlle Toinon, bien plus capable de